1. CONTEXTE /JUSTIFICATION
La Conférence de Table Ronde des partenaires au développement de la République Centrafricaine, organisée le 26 Octobre 2007 à Bruxelles (Belgique) par le Gouvernement a permis de jeter les bases d’un dialogue constructif avec la communauté financière internationale autour de la Stratégie du pays en matière de Réduction de la Pauvreté.
Lors de cette rencontre, les principaux partenaires du pays présents à la conférence ont reconnu la pertinence et la spécificité du document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), qui leur a été présentée. Ils ont indiqués avoir pris bonne note de la volonté affichée du Gouvernement de conduire la Réforme du Secteur (RSS) de Sécurité avec l’assistance de la communauté internationale. A cet effet, ils ont encouragé le Gouvernement à organiser un séminaire national sur la RSS.
Les partenaires au développement ont affirmé leur engagement à soutenir le Gouvernement dans la mise en œuvre du DSRP qui constituera le cadre de référence pour la programmation de leur coopération. Ils ont également indiqué leur ferme volonté d’apporter des appuis conséquents à la mise en oeuvre des programmes et des plans d’actions sectoriels du DSRP qui seront formulés. Ils ont suggéré la poursuite du dialogue avec le gouvernement à travers l’organisation d’autres rencontres de ce type qui permettraient le suivi de la mise en œuvre des politiques de développement du pays à travers des consultations régulières et tables rondes sectorielles.
La Réforme du Secteur de la Sécurité étant une condition indispensable pour la paix et la sécurité gages d’un développement durable, le Gouvernement a organisé en avril 2008 un Séminaire National sur la RSS qui a posé le diagnostic du secteur et jeté les bases de l’élaboration d’une Stratégie Sectorielle de la RSS. C’est dans cette perspective que le Gouvernement s’est engagé cette année à finaliser la Stratégie Sectorielle et à organiser la Table Ronde Sectorielle de la RSS.
La RSS étant un concept nouveau, le but de la présente note technique est de présenter la problématique sécuritaire en RCA, d’analyser le dysfonctionnement du dispositif sécuritaire, de définir le champ et les domaines de compétences de la RSS et dégager les perspectives de reforme du secteur sécuritaire en RCA.
2. Problématique sécuritaire en RCA
La problématique sécuritaire en RCA s’analyse en tenant compte des éléments aussi bien internes dus aux crises militaro-politiques récurrentes qu’externes liés à la situation géographique du pays.
· Sur le plan interne, l’insécurité physique provient essentiellement de trois sources : (i) les rebellions des groupes armés, (2) les activités de banditisme et (3) le phénomène de braconnage.
Les rebellions des groupes armés : On assiste ces dernières années à l’apparition des mouvements rebelles armés essentiellement dans le Nord-Ouest, le Nord et le Nord-Est du pays avec des revendications plus moins politiques.
Les activités de banditisme : Le phénomène du banditisme, encore appelé ''coupeurs de routes'' ou ''Zaraguinas'', apparu dans les années 80, s’est intensifié sur les pistes et les grands axes routiers en exerçant des activités criminelles de tous genres, favorisant ainsi la prolifération et la circulation des armes légères et de petit calibre. Dans les grands centres urbains, on a constaté l’apparition de la grande criminalité caractérisée par des braquages récurrents.
Le phénomène du braconnage : Le phénomène du braconnage est essentiellement le fait des prédateurs originaires du Soudan et du Tchad qui envahissent régulièrement les aires protégés du Nord-Est de la RCA. Leurs activités criminelles de décimation des bêtes contribuent non seulement à l’éradication à long terme de la faune et du patrimoine touristique, mais constituent également un véritable danger pour l’économie du pays et pour la sécurité des populations.
· Sur le plan de la sécurité extérieure, la position géographique de la RCA qui se trouve dans une région instable (RDC, Soudan, Tchad) et en proie à des crises récurrentes, expose le pays à l’utilisation de son territoire comme base arrière par des éléments armés non étatiques d’un autre état. La longue frontière poreuse avec ces pays voisins favorise les infiltrations des protagonistes, les exactions sur les populations civiles et une circulation massive d’armes légères et de petit calibre.
Les conséquences directes de cette situation sont la fragilisation des institutions, une mise à mal du système de défense et de sécurité marqué par des lourdes pertes au sein des forces de défense et de sécurité tant sur le plan humain, opérationnel que logistique et un afflux massif des réfugiés et des personnes déplacées.
3. Dysfonctionnement du dispositif sécuritaire en RCA
· Le secteur sécuritaire dans son ensemble souffre d’un dysfonctionnement du dispositif sécuritaire caractérisé par l’incapacité des forces de défense et de sécurité (FDS) à assurer d’une manière adéquate la protection des biens et des personnes sur l’ensemble du territoire national. Il souffre également de l’immixtion du politique dans la gestion du secteur, d’un déséquilibre très prononcé dans la répartition des hommes et des moyens sur le territoire national et d’une absence de transparence dans la gestion des moyens matériels et financiers mis à disposition.
Il en résulte une indiscipline au niveau des hommes, le non respect de la hiérarchie, l’effritement de la morale professionnelle. Ainsi, on assiste à une montée de la criminalité, du banditisme, des vols à mains armées dont les conséquences immédiates se font ressentir sur les activités économiques et commerciales qui sont en net recul.
La population, livrée à elle-même, ressent les effets de ce dysfonctionnement comme un abandon de la part des autorités et il en résulte une perte de confiance vis-à-vis des forces de défense et de sécurité. Ce qui favorise la création de nombreux groupes armés qui échappent aux contrôles des formations régulières.
· Dans le secteur de la justice, l’état de délabrement se mesure par une faiblesse des ressources humaines, un faible niveau de qualification et de spécialisation du personnel, des locaux exigus et inégalement repartis sur le territoire, des centres pénitentiaires vétustes et délabrés.
Les conséquences directes en sont des cumuls de fonction, des difficultés de réaliser à temps les actes juridiques et d’exécuter les décisions de Justice, la remise en cause de l’éthique des magistrats, des évasions massives des prisonniers, la méfiance des justiciables à l’égard de l’Institution et la tendance au recours à une justice privée ou populaire.
Face à cette situation, le Gouvernement a engagé de nombreuses actions ces dernières années pour endiguer le phénomène de l’insécurité et redynamiser la justice. Cependant, les résultats obtenus sont mitigés et démontrent qu’il y a encore beaucoup à faire avant de rétablir définitivement la paix et l’état de droit dans le pays.
Le retour de la paix et de la sécurité dans le pays ne peut être que la conjugaison des efforts continus sans relâche de plusieurs acteurs du secteur au nombre desquels il faut compter les FDS, les populations civiles, la société civile, les politiques, les institutions républicaines, les médias, le monde de la recherche.
Chaque partie est appelée à jouer sa partition dans un cadre cohérent d’intervention afin d’assurer le succès du processus. C’est pourquoi, le Gouvernement a opté pour une approche globale du problème par le biais de la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS).
4. Champ et domaines de compétence de la RSS
L’approche RSS vise l’établissement des systèmes de Sécurité et de Justice efficaces et transparents en vue de créer les conditions favorables à une paix durable. Elle se définit comme étant un concept nouveau qui inclut tous les acteurs intervenant dans le domaine de la sécurité et de la justice, à commencer par les acteurs traditionnels que sont, les Forces Armées, la Gendarmerie Nationale, la Police et les autres Forces Paramilitaires (Eaux et Forêts, Douane et Police Municipale). L’approche nouvelle du concept intègre également les institutions telles que l’Administration de la Justice, les Services de Renseignement, les Services de Sécurité Privée, le Parlement et prend en compte aussi des thèmes transversaux caractéristiques de l’Etat de droit tels que : le Contrôle Démocratique de la Sécurité ; la Bonne Gouvernance Publique ; le rôle des Médias, de la Société Civile et la dimension Genre. Elle a également un lien étroit avec le processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) et la lutte contre la prolifération des Armes Légères de Petit Calibre (ALPC).
5. Réformes et programmes en cours.
La première action concrète initiée par le Gouvernement dans le cadre de la RSS, a été la tenue du Séminaire National sur la RSS en Avril 2008 dont les conclusions opérationnelles ont été traduites en un chronogramme d’activités à court et moyen terme. Les activités à court terme, réalisées exclusivement sur le budget de l’Etat, ont connu ces trois derniers mois, une nette accélération dans leur réalisation, montrant ainsi que le processus RSS a bien progressé. Dès lors, il convient de passer à la deuxième phase des activités, celle qui concerne les activités à moyen terme dont les progrès seront présentés à la Table Ronde du 29 octobre 2009. Les différents Accords de Paix et notamment l’Accord de Paix Global signé entre le Gouvernement et les groupes politico-militaires ainsi que la Loi d’Amnistie constituent d’autres actions importantes qui ont permis de décrisper l’environnement sécuritaire et la tenue du Dialogue Politique Inclusif (DPI). Il y a lieu également de mettre en exergue le fait que l’Accord Global de Paix a mis en place le processus DDR qui en est actuellement à la phase de sensibilisation des ex-combattants. Sur un besoin de financement de 22 millions US$, le Gouvernement a pu mobiliser 4 millions US $ sur financement du Fonds de Consolidation de la Paix et 5 milliards de Fcfa auprès des pays de la CEMAC et de la BEAC. Toutes ces actions ont permis à la RCA d’être éligible au Plan d’Action de la Commission des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix. Un Cadre Stratégique pour la Consolidation de la Paix a été adopté par cette Commission en mai 2009 et a pour but d’aider la RCA, pays post conflit, qui a besoin d’actions urgentes pour consolider la paix.
La Loi de Programmation Militaire 2009-2013 est une autre action majeure dans le cadre de la Réforme qui a pour objectif de consolider et maîtriser les effectifs des FACA et de la Gendarmerie, de renforcer leurs capacités et de les doter d’équipements nécessaires à l’accomplissement de leur mission. La MICOPAX (Mission de Consolidation de la Paix en Centrafrique), placée sous l’autorité de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), a pris le relais de la FOMUC (Force Multinationale de la CEMAC), en juillet 2008. Elle assure la sécurité de l’Aéroport Bangui Mpoko et appuie les patrouilles des FACA dans les zones de tension. Sa contribution à la sécurisation de l’arrière-pays a favorisé la tenue du Dialogue Politique Inclusif.
La lutte contre la prolifération des armes légères et de petits calibres (ALPC) est un projet financé par le Gouvernement du Japon et exécuté par le PNUD pour un montant de 1 923 729 US $. Il vise à consolider les acquis du projet de réinsertion des ex-combattants (PRAC) et du projet de sécurité pour le développement (PSPD) en promouvant les conditions favorables à la paix, à la sécurité, à la stabilité humaine et au développement socio-économique. Le projet appuie les communautés de base, les organisations de la société civile et les institutions nationales en créant des conditions favorables à la restitution volontaire des armes et au relèvement précoce. Le programme cadre d’appui à la Gouvernance démocratique, à la décentralisation et à la Gouvernance locale est un programme mis en œuvre par le PNUD et dispose d’un budget prévisionnel de 16 600 000 $ US sur quatre ans (2008-2012). Il couvre trois axes principaux : 1) l’appui aux institutions de la république (Cour des comptes, Cour Constitutionnelle et Conseil d’Etat, l’Assemblée Nationale, etc.), (ii) l’appui aux organisations de la société civile et (iii) l’appui à la redynamisation du processus de décentralisation. Les montants mobilisés à ce jour sont d’environ 1.711.000 $US auprès du PNUD et 450,000 euros auprès de la Commission Européenne en financement parallèle (détail ci-dessous). En outre, des appuis techniques en expertise ont été fournis par la France.
Le renforcement des capacités de l’Assemblée Nationale (PARCAN), projet d’un budget de 450 000 euro, est entièrement financé par la Commission Européenne et exécuté par le PNUD. Il porte sur la réhabilitation de l’Assemblée Nationale, la formation des agents et la fourniture des équipements. Le projet d’appui au Dialogue Politique Inclusif (DPI) est cofinancé par le fonds de consolidation de la paix (801.000 US $), l’Organisation Internationale de la Francophonie (74.000 US $) et l’Union Africaine (130.000 US $).
Le renforcement des capacités de l’Etat de Droit basé sur la justice et la sécurité (PRED) est un programme d’un budget prévisionnel d’environ 12 millions de US $ qui est financé à hauteur de 1, 401,294 $US par le PNUD, 554,806 $US par la France, 1, 500,000 par la Suède et 1, 362,462 $US par les Pays-Bas. Il est mis en œuvre par le PNUD pour une période de deux ans (Sept. 2008-octobre 2010). Il vise le renforcement des capacités des institutions garantes de l’Etat de droit et l’amélioration de l’accès à la justice et à la sécurité publique. Le Projet d’appui à la sécurité juridique pour le développement, au système judiciaire et aux droits humains (PRASEJ) exécuté en deux phases de 2006 à 2008 avec un budget d‘environ 1.149.000 $ cofinancé par la France (483.000 $US), l’Irlande (83.000 $US) et le PNUD (583.000 $US). Il a visé globalement à rendre la justice plus efficace et à assurer un accès à tous (en particulier pour les groupes vulnérables) dans des zones de conflit ciblées, à améliorer les conditions de détention en particulier pour les femmes par la création de prisons séparées pour femmes avec des gardiennes et régisseurs de prisons femmes formées à cet effet sur une base pilote.
6. Perspectives.
En termes de perspectives, la Réforme du Secteur de la Sécurité s’inscrit dans un environnement favorable avec plusieurs initiatives actuellement mises en œuvre par les partenaires et des promesses de financements futurs. En effet, beaucoup de partenaires comme la BAD, la Banque Mondiale, la SFI, l’Union Européenne, l’OCDE et bien d’autres ont ouvert des fenêtres de financement en faveur des états fragiles ou des pays en transition. Le Gouvernement est entrain de préparer les documents techniques pour des soumissions. Il est à noter aussi que le Gouvernement attend un financement additionnel en provenance du Fonds de Consolidation de la Paix des Nations Unies afin d’appuyer le programme du Dialogue Politique Inclusif (DPI).
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